Le seuil par le chiffre comme levier de maintien et continuation. Le cas de L’atrazine

Comment la science à vocation réglementaire tente d’évacuer de l’environnement la question politique du maintien d’une pollution par persistance rendue acceptable.

Les bureaucrates et politiciens ont longtemps fermé les yeux sur l’accumulation de petites doses toxiques dans les sols, les nappes phréatiques, les océans et dans les corps. Les déchets toxiques des processus industriels ont été tolérés comme un prix à payer pour vivre le « progrès » et la « croissance ». Nous nous intéressons à la capacité des humains à rendre invisible et à nier l’évidence toxique, et au refus obstiné d’observer et de comprendre toutes les conséquences matérielles de notre système économique et technique. Le déni fait disparaître les traces et les effets invisibles de la catastrophe. Arme puissante, il permet de normaliser une situation toxique d’une manière qui reproduit la logique rationnelle tout en produisant un profond abandon au mal de la non-réflexion. Or, parler de la pollution c’est reconnaître son pouvoir immense de rendre inhabitable un espace jusque-là familier.

Birgit Müller et Michel Naepels, Monde commun. Des anthropologues dans la cité, N°5 Mondes toxiques. 2020

L’atrazine (C8H14ClN5) est un herbicide de synthèse de la classe des triazines. C’est un des Polluants Organiques Persistants ou POPs ; composés organiques qui, à des degrés divers, résistent à la dégradation photolytique, biologique et chimique.

Le terme Polluants Organiques Persistants ou POP désigne un grand nombre de substances organiques non pas définies par leur nature chimique mais par quatre propriétés (Convention Stockholm 2019), et d’autres sont ajoutés à des listes hors Convention de Stockholm.

Voici l’exemple des Normes pour eau potable[1]:

  • UE: 100 ng/L [2]
  • OMS: 100 000 ng/L En 2011, l’OMS a relevé sa valeur limite pour l’atrazine dans l’eau potable, sur la base d’une évaluation réalisée en 2007 par la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides (JMPR). La limite a été multipliée par 50, passant de 2 à 100 microgrammes d’atrazine par litre d’eau (μg/l)
  • EPA: 3000 ng/L
  • Canada: 5000 ng/L La concentration maximale acceptable (CMA) pour l’atrazine dans l’eau potable est de 0,005 mg/L (5 µg/L). Cette recommandation s’applique à la fois à l’atrazine et à ses métabolites N-désalkylés
  • Québec: 3500 ng/L La norme prévue par le Règlement sur la qualité de l’eau potable concernant la somme de l’atrazine et ses métabolites est de 5 μg/l (annexe 1 du règlement) (Gouvernement du Québec, 2001). Le 8 mars 2012, les normes correspondant à un paramètre inorganique (l’arsenic) de même qu’à 27 pesticides et à 9 autres composés organiques ont été abaissées

Notes et références


  1. Voir aussi : Notes : Conférence : « Contaminants émergents dans l’environnement – focus PFAS » Notes : Conférence : « Contaminants émergents dans l’environnement – focus PFAS » | Xavier Coadic ; & « La catastrophe comme objet (en anthropologie) » et l’établissement de seuils par les chiffres qui deviennent des normes Mardi catastrophologie : votre fournée de ressources (n°5) | Xavier Coadic ↩︎

  2. Voir aussi: Per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) of possible concern in the
    aquatic environment ; Magdalena Niegowska, Patrizia Pretto, Elena Porcel-Rodriguez,Dimitar Marinov, Lidia Ceriani and Teresa Lettieri, May 2021. https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC125254/pfas_report__jrc_19.05.2021_final_online(3).pdf ↩︎

Les POPs / PEPs (polluants éphémères persistants) ne sont pas une catégories de substances pré-existantes aux activités humaines. Ils sont de notre fait.

Les POPs / PEPs ont été conçus dans l’intention de faciliter des productions matérielles qui sont dites existentielles dans le système productiviste actuel. Ils sont tenus dans ce système comme contributions à la « sécurité » de moyens de subsistance à l’existence humaine. C’est ici, et plus encore ailleurs, une intention portée dans la technostructure et dans la chemiosphère.

L’Europe Impériale en tant que qualité d’instance de décision et de normalisation, tout autant que d’autres instances impériales aussi, prend soin de conserver et perpétuer les héritages techno-structurels et chémiosphériques dans un visée financière. Ceci étant une contribution à la violence et dommages jusque dans nos corps écharnés comme dans les non-humaines de notre co-habitation.

C’est là un réformisme par la toxicité qui consiste à déterminer si en en quelle quantité la substance x ou y peut être supportée [ce qui] n’est empiriquement qu’une voie à peine plausible vers des atmosphères plus juste[1]

Nous retrouvons des pratiques au Bangladesh visant à prévenir les épidémies de Cholera (qui ne sont pas des POPS / PEPs) avec un revendication dite “LowTech” dont le résultat est une participation au maintien de l’existant[2] de l’agent et du facteur de pollution.

Voir aussi :fast_forward:
‘We live in a chemical world’ that Canada’s laws aren’t designed to keep out of ourwater

Drugs, microplastics and forever chemicals: new contaminants emerge in the Great Lakes
Scientists studying unregulated “emerging contaminants” say Ontario and the federal government need a co-ordinated plan to protect our water and health

By Fatima Syed This story is part of The Checkup, a series by the Great Lakes News Collaborative that examines the links between the region’s changing climate, its abundant water and its residents’ health


  1. Shapiro, N. (2020). Polluants éphémères persistants. Monde commun, 5, 112-128. https://doi.org/10.3917/moco.005.0112 ↩︎

  2. Colwell RR, Huq A, Islam MS, Aziz KM, Yunus M, Khan NH, Mahmud A, Sack RB, Nair GB, Chakraborty J, Sack DA, Russek-Cohen E. Reduction of cholera in Bangladeshi villages by simple filtration. Proc Natl Acad Sci U S A. 2003 Feb 4;100(3):1051-5. doi: 10.1073/pnas.0237386100. Epub 2003 Jan 14. PMID: 12529505; PMCID: PMC298724. ↩︎