Une rivière arrive à Prague
par Medha Patkar en 2000 | Interview by Notes from Nowhere/Katharine Ainger
Source: https://www.artactivism.gn.apc.org/allpdfs/296-A%20River%20Comes%20to.pdf
La Narmada (dont le nom signifie « celle qui procure le bonheur ») est le plus long fleuve de l’Inde, sacré pour les villageoises et villageois qui vivent sur ses rives. Iels mènent leur vie quotidienne dans l’ombre du barrage Sardar Sarovar en cours de construction, symbole de tout ce qui ne va pas dans les grands projets de développement.
Dans les années 1980, la Banque mondiale a financé le gouvernement indien pour construire 30 grands barrages, 135 barrages moyens et 3 000 petits barrages le long de la vallée de la Narmada, menaçant de transformer l’ensemble du fleuve en une série de lacs qui submergeront les villages et déplaceront entre 100 000 et 1 000 000 de personnes.
Depuis 1986, le Narmada Bachao Andolan (NBA – Mouvement pour sauver la Narmada) s’est répandu parmi les villageois de la vallée, contre le barrage, contre l’inondation, en faveur des droits des populations aux ressources naturelles dont elles dépendent pour survivre. Les villageoises et villageois ont alors juré de rester et de se noyer avec leurs enfant⋅es, préférant la mort à un programme de réinstallation inadéquat ou à une vie dans les bidonvilles – pour elleux, c’est une autre forme de mort.
Iels ont jeûné, organisé des sit-in, occupé le site du barrage, affronté les charges de la police, été devant les tribunaux et en prison. À chaque fois que la mousson arrive, iels se retrouvent avec de l’eau jusqu’au cou, pris dans les tourbillons.
Le barrage n’apportera pas l’eau promise aux régions du Gujarat sujettes à la sécheresse, mais aux zones industrielles où d’énormes usines de transformation du sucre sont déjà en cours de construction en prévision. Le ministre du Gujarat a déclaré que les villageoises et villageois devraient sourire tout en faisant le « petit sacrifice » de renoncer à leurs maisons pour le bien commun.
Depuis lors, la lutte contre les barrages de la Narmada est menée par Medha Patkar et la NBA, qui fait partie de l’Association nationale des mouvements populaires, qui réunit des millions de personnes non représentées à travers l’Inde. Voici ses mots alors qu’elle portait une banderole dans les rues de Prague avec le groupe rose et argent lors des manifestations du 26 septembre contre la Banque mondiale et le FMI.
Voici un texte de Medha Patkar
Cette journée [S26] n’est pas consacrée à la protestation nordiste, mais à la solidarité mondiale. Il ne s’agit pas du Monde développé et du Tiers Monde, du Nord et du Sud. Il existe une partie de la population qui est tout aussi présente aux États-Unis et en Angleterre – les sans-abri, les chômeureuses, dans les rues de Londres – que dans les communautés autochtones, les villages et les fermes de l’Inde, de l’Indonésie, des Philippines, du Mexique et du Brésil. Tous celles et ceux qui subissent les contrecoups de ce type d’économie s’unissent pour créer une nouvelle organisation du monde centrée sur les personnes.
Nous sommes ici parce que notre mouvement est celui des habitantes et habitants de la vallée de la Narmada qui luttent contre les grands barrages,
auxquels la Banque mondiale était initialement associée. Mais notre mouvement a réussi à la contraindre à se retirer.
Nous luttons pour un développement véritablement équitable et durable, et sommes convaincu⋅e⋅s que la Banque mondiale, le FMI, l’OMC et les multinationales mènent la société dans la direction opposée, vers un monde inéquitable, non durable et injuste.
Nous estimons que les entreprises et leurs tentacules ont désormais pris le contrôle non seulement des marchés, mais aussi de la vie des gens. Les peuples doivent résister. Iels doivent dire non, non seulement aux importations, mais aussi aux impositions. L’imposition d’une culture, l’imposition du consumérisme, l’imposition d’un nouveau type de monnaie et d’une économie basée sur le marché et la politique qui y est associée.
Et nous savons que nous ne pouvons pas lutter seul⋅e⋅s dans notre coin du monde et de manière isolée. Il est nécessaire de construire des alliances entre le mouvement des femmes, le mouvement des travailleureuses de la pêche, le mouvement des agriculteuricess, le mouvement des peuples tribaux et autochtones – tous ceux et celles qui vivent des ressources naturelles et de leur propre travail sont expulsé⋅es et appauvri⋅es.
Nous devons ensuite rassembler toutes les personnes sensibles et raisonnables du monde entier pour rejeter le secteur privé, ce type de prêts et les garanties de crédit à l’exportation.
Ceux-ci seront remplacés par les modes d’échange, de connaissances, d’idées et de technologies propres aux gens ordinaires, ce qui constituera le véritable empowerment des populations.
Ce texte était à l’occasion de la préparation du Global Day Action − contre le FMI et la Banque mondiale, Prague, septembre 2000…
Les manifestations contre le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale à Prague, en République tchèque, en septembre 2000, ont marqué un tournant dans l’histoire du mouvement altermondialiste de la République tchèque post-socialiste.
Pour ma part, c’est en 2023 que je mettrais les pieds à Prague pour former des étudiantes et étudiants aux enquêtes sur les problèmes de l’eau à Academy of Arts, Architecture and Design in Prague dans la cadre du Programme Planet B Aqautic Alliance
Pause Zic 1
- Kidney Crayons (2024) in Necrosphere64 by Patricia Taxxon, Creative Commons BY SA 3.0.
2010 : Épidémie de choléra en Haïti
Le 12 janvier 2010 la terre tremble en Haïti, un séisme principal d’une magnitude de 7,0 à 7,3 sur l’échelle de Richter.
J’ai été envoyé sur place avec des unités de secours spécialisées.
Pour garder les forces étrangères déployées sur place, des Camps ont été installés. La forme camp est un utilisée pour séparées et contrôlées des populations que des instances extérieures souhaitent distinctes. Le fait d’isolés des groupes externes à un territoire est depuis le 19ème siècle le développement privilégié pour enfermées les personnes en détresse : réfugié⋅es, migrant⋅e⋅s, victimes de désastres. Mais parfois c’est aussi un choix fait pour parquer les « secours externes ».
Dans ces camps en 2010 ont été entassé⋅es des unité⋅es de secours dont la mission étaient de venir en aide aux haïtiennes et haïtiens.
Ces installations de « fortune » précaires allaient le théâtre d’une terrible sur-catastrophe. L’important d’un pathogène extérieur responsable d’une épidémie de Choléra diffusée depuis les eaux usées d’un camp de casque bleus Népalais des Nations Unies qui durera jusqu’en 2019 et réapparition en 2022 faisant plus des 10 000 mort⋅es.
Les catastrophes, qui n’ont rien de naturelles, ont depuis des siècles été l’un des prétexte pour des pouvoirs centraux, souvent éloignés du lieu de la catastrophe pour exercer plus de contrôle et déployer de nouvelles campagnes de soumissions des populations impactées.
Le journaliste Sebastian Walker filmant les soldats tentant de réparer une canalisation qui fuyait aux enquêtes du journaliste Jonathan M. Katz et de l’épidémiologiste Renaud Piarroux, en passant par les États-Unis et l’ONU qui ont exercé d’énormes pressions et mené campagne pour contredire les faits et dénigrer des individus.
Haïti est encore aujourd’hui un pays colonisé qui subit toujours les dictas de la France notamment entre autres pays impériaux. Et ce cas de pollution des eaux et des sols avec déclenchement d’une épidémie mortelle reste d’actualité 15 après les faits. Une actualité peu traitée dans nos médiations de l’information.
Parmi les très nombreux apprentissages que j’ai retiré que cet évènement, de l’intervention et de l’après, il y a la nécessité d’exposer l’invisible, certes je l’avais déjà beaucoup celui-là, mais surtout de le faire en produisant par nous-même nos propres archives.
Ce sera la petite histoire après une pause musicale :
Pause Zic 2
- flavours [live] ultramorbidi & romi (2024), CC BY NC SA flavours [live] ultramorbidi*romi N/A - tap
Exposer l’Invisible
Et ici et maintenant, je veux me rappeler et me rappeler à moi-même d’éviter de me concentrer uniquement sur l’obscurité et la négativité pendant cette émission.
Nous avons besoin de formes d’organisations en « village » pour exister et pour grandir hors de pouvoir descendants colonisateurs.
Depuis quelques mois avec Hack₂O, j’essaie de mettre en place une pratique de l’archive d’informations et de sites web
Et ce sont des camarades de Somalie, du Yemen, d’Amérique du Sud, des militantes féministes qui m’ont rappelé la puissance nécessaire que fournit un telle approche organisationnelle.
https://www.apc.org/en/event/webinar-digital-repression-whrds-safety-and-movements-sustainability
2021: The Archive as Activism: Lessons from Mnemonic and the Syrian Archive
Mnemonic, l’organisation à but non lucratif qui gère les archives syriennes, yéménites et soudanaises, utilise sa position d’organisation intersectorielle et interdisciplinaire pour fournir les outils et les méthodologies qui permettent aux défenseurs des droits humains d’utiliser les informations numériques dans leur lutte pour la justice et leur exigence de responsabilité. Ce court article met en évidence certaines des méthodologies de Mnemonic et les considérations clés dont son équipe doit tenir compte dans le domaine des enquêtes sur les droits humains.
2021: “Killing one is easy, killing a network is impossible”: The Power of Collaboration
Il y a dix ans, le journalisme et l’investigation collaborative était quelque chose d’inhabituel, voire souvent d’étrange : pourquoi partager mes précieuses informations avec quelqu’un d’autre ? Heureusement, les choses ont changé. Les reportages collaboratifs sont une nouvelle tendance, car ils sont puissants, ils ont un impact et ils protègent les journalistes ; car il est facile de tuer un journaliste, mais impossible de tuer un réseau.
La journaliste d’investigation Pavla Holcová intitulée « La collaboration est vitale » lors de la conférence Investigation is Collaboration organisée par le projet Exposing the Invisible du 2 au 6 août 2021.
Pause Zic 3
-
- Ras tilo (2009)
Las estrellas feat. andrea guante CC BY SA 3.0 Dogmazic
- Ras tilo (2009)
FTPP 8: Palestine Solidarity Against the Odds
Leila al Shami, Karena Avedissian et Ayman Makarem, s’interrogent sur ce que signifie être solidaire avec la Palestine. Ils réfléchissent à l’urgence de réagir face à l’injustice, au pouvoir des réseaux locaux et au rôle du militantisme, même dans les communautés rurales isolées. Au cœur de cette conversation se trouve une question qui préoccupe beaucoup d’entre nous : comment continuer à nous mobiliser alors que rien ne semble changer et que nous sommes épuisés ? Aujourd’hui, nous allons partager des exemples qui, nous l’espérons, nous rappelleront pourquoi il est important de persévérer.
Comment continuer à nous mobiliser alors que rien ne semble changer et que nous sommes épuisés ?
https://www.patreon.com/posts/ftpp-8-palestine-137216968
Remerciements
- Le collectif p-node pour la diffusion radio
- L’équipe Planet B de Prague
- Exposing The Invisible
- Esther Payne
- Les copaines de l’émission Sources sur radio campus Bruxelles
- Women human rights defenders
Last Zic
- Restaĵo Fina
de l’album Neniam Konfidu Al La Ŝtato LP par Voĉo Protesta
CC BY-NC-ND 3.0
Bonus Track
- ultramorbidi
Par nats
WE DE-CEN-TRA-LIZE